L’hyperbole et le contraste, des moyens visuels pour critiquer
Vif esprit satyrique, Aubrey Beardsley ne cache pas son mépris pour la société de son époque, et en dévoile les vices.
Aubrey Beardsley n'est pas connu pour la demi-mesure de ses œuvres. Il use de procédés d'exagération pour ridiculiser des personnages et des comportements. Ce trait satirique se retrouve dans l'art de la caricature de cette époque, largement diffusée par les procédés d'impression industrielle.
L'illustrateur s'attaque à la représentation d'une figure emblématique de la satire : Juvénal, poète romain ayant vécu au Ier et IIe siècle après JC. Dans son œuvre Juvenal flagellant une femme (1896), le poète a la partie haute de son corps vêtu, tandis que ses jambes sont dénudées, laissant ses parties intimes apparentes. Il tient dans sa main gauche un fouet et semble parader fièrement autour d'une femme, empalée en haut d'une colonne. L'expression satisfaite de Juvénal, la tête haute et le sourire aux lèvres, le décrédibilise si on la compare à celle de sa victime, résignée et impassible. De plus, la nudité du poète contraste avec les lauriers couronnant sa tête : il est ridiculisé dans ses propres fantasmes.
Beardsley s'intéresse aux vices humains, et évoque par ses œuvres l'hypocrisie de la société dans laquelle il vit. Il trouve celle-ci empreinte de superficialité, d'avarice et de pensées bigotes. A la fin de sa vie, il commence l'illustration de la pièce du XVIIe siècle Volpone, de Ben Jonson. Le personnage principal, représenté dans Volpone en adoration devant son trésor (1898), est recroquevillé sur lui-même, les mains liées et les paupières à demi-ouverte ; il prépare un tour avec malice. Dans la pièce, Volpone feint la maladie et fait croire qu'il fera hériter de sa fortune au courtisan qui lui sera le plus dévoué. Ce personnage abuse donc de son pouvoir et de sa richesse. Il se moque d'une population moins aisée pour son propre amusement et nourrir son ego. L'apparence donnée à cet homme richement vêtu, à la vie aisée, dénote avec son comportement.



Les hautes sphères de la société sont un sujet particulièrement repris par Aubrey Beardsley. Dans La Grotte de la mélancolie (1896), l'abondance de corps, de tissus et de possessions richement ornés, contraste avec cette idée de spleen. Le traitement des lignes courbes et serrées remplissent la page, et n'illustre pas le vide que cause la mélancolie, entre ennui et tristesse. Ce jeu de contraste et d'hyperbole est à la fois évident et rendu subtil par la maîtrise technique et la rigueur de l'illustrateur.